« Violin Arabesques »

Stéphane Combet explore une façon de voler non seulement inventive, mais en accord avec une musique elle-même très exigeante dans son interprétation pour être festive dans son écoute. La vidéo qu’il a filmée et montée, ouvre une nouvelle façon de présenter la voltige planeur sur des sites superbes. Il montre des figures inédites sur ses autres vidéos. C’est le début d’une autre voltige planeur qui est une invitation à gagner des horizons. Horizons techniques, horizons de pilotage, horizons d’espaces de vol. Cette musique géométrique a trouvé un interprète et l’un de ses instruments. Gageons que ce n’est pas fini.

La musique géométrique que compose ici Stéphane Combet avec le Troll est pour moi ce que devrait être la voltige planeur en espace libre. La montagne constitue le plus bel espace de vol. Cet espace est partenaire de nos évolutions.
Son aérologie peut devenir complexe et reste donc toujours intéressante à explorer et à apprivoiser. L’espace n’est pas un décor, mais bien un acteur à qui le pilote donne la réplique avec son planeur devenu l’instrument révélateur de ses sentiments du moment. Il y a ceux qui font n’importe quoi. L’agitation désordonnée n’est pas de la voltige, mais du bruit. Et il y a ceux qui dialoguent avec l’espace et l’aérologie comme on joue de la musique de chambre ou du jazz (c’est pour moi la même chose à des époques simplement différentes). Le Troll est devenu peu à peu un outil, un instrument assez fidèle et sensible pour révéler l’état d’esprit du pilote. Chaque pilote le met à sa main avec ses propres réglages sans dégrader son caractère joueur. D’autres vidéos du Troll montrent d’autres interprétations par d’autres pilotes, sur la nouvelle page des vidéos du Troll.

Il ne s’est pas fait tout seul…

J’ai voulu d’abord ce planeur de voltige facile à transporter…

…dans un sac à dos pour m’accompagner sur les sites que j’aime fréquenter et sur les nouveaux sites que je vais peu à peu explorer. Il me faut un modèle assez rustique et se posant court, facile même à réparer. Quand on prend des risques il faut assumer !

En voltige, il faut un modèle agile…

…et restant dans la position voulue par le pilote. Il faut un modèle sans inertie pour être sensible aux moindres turbulences révélatrices des mouvements de l’air par petit temps, pour voler souvent. Il faut un modèle précis pour que la courbure variable ne soit pas une illusion. Il faut que les gouvernes se positionnent là où il faut, à toutes les vitesses. A quoi bon discuter des mérites d’un profil quand la commande a du jeu, que le servo s’effondre et que la gouverne se tortille ? En améliorant patiemment chacun de ces éléments, j’ai modifié totalement les sensations ressenties aux manches de ce modèle. J’ai suivi la même démarche que pour le Quartz, planeur souvent repris ici ou là.

Ce Troll a volé en effet pour la première fois…

…au stage de Font d’Urle en 2001. Il a été amélioré petit à petit en faisant de chacun de ses défauts un indicateur de ce qu’il fallait améliorer. Il m’a fallu souvent remettre en cause ce qui est volontiers partagé par ceux qui croient savoir parce qu’ils l’ont lu quelque part. Mais n’ont pas même essayé. La théorie est une chose utile pour mettre de l’ordre dans un fouillis complexe. Mais ce n’est pas de la connaissance. La connaissance vient d’abord de ce que l’on éprouve et observe finement pour enfin comprendre. Après avoir compris il faut concevoir et construire, puis tester. Les blocages intellectuels sont nombreux et doivent être contournés.

Le Troll, issu du Quartz…

…mais en plus petit, passait déjà à l’époque toute la voltige de base des planeurs. Mais cette facilité devait être dépassée : faire facilement ce qui est exceptionnel voire réputé impossible, même par petit temps. Il a ainsi hérité de l’incidence différentielle déjà expérimentée depuis l’Axel sur la plupart de mes planeurs de voltige. Ceci pour les vrilles à plat. Mais il fallait trouver une solution de construction fiable et logeable dans ce fuselage, étroit pour ne pas traîner inutilement.

Ensuite pour passer les Flips…

…mis à la mode par Benoit et Christophe Paysan Leroux, il me fallait un stabilisateur débattant à 180° qui soit fiable à toutes les vitesses. Ceux qui ont essayé savent de quoi je parle : le flutter est quasi inévitable à partir d’une certaine vitesse si on n’utilise pas une solution adaptée. Les à peu près et « ça doit bien le faire » ne fonctionnent pas et condamnent la machine à la casse. C’est en raisonnant sur le dispositif précédemment créé et utilisé avec succès sur le Quartz, que j’ai imaginé puis adopté le principe des poulies elliptiques décalées à 90°. La solution est évidente, facile à construire et à maintenir en état. Encore faut-il la mettre en œuvre de façon fiable. J’ai découvert peu après que l’idée était dans l’air mais pas aboutie pour bien fonctionner avec précision sur des planeurs rapides.
Avec l’incidence différentielle qui fonctionne bien sur les petits modèles, mais se révèle mole en roulis sur les grands modèles, il me fallait modifier à volonté la courbure de chaque demi aile selon l’attitude voulue. Les ailerons sont donc conjugués avec l’incidence différentielle selon un mixage particulier. Les ailerons « Full Span » n’ont de sens que s’ils ne se déforment pas en vol. Leur articulation et leur commande ont fait l’objet de plusieurs essais, avec des échecs, de fausses bonnes solutions qui vont peut-être bien ailleurs, mais se révèlent inadaptées sur ce modèle. Avec 30% de la corde de l’aile, les volets imposent une construction indéformable. La précision obtenue ici modifie complètement les sensations de pilotage. Plusieurs utilisateurs du Troll m’ont dit explicitement ne plus vouloir piloter autre-chose, au seul critère des sensations de pilotage.

Côté radio, j’ai dû modifier…

…les servos pour obtenir ce que je cherchais. Il me fallait des servos débattant à 180°. J’ai là aussi procédé à des tests sur différents servos pour dépasser les annonces commerciales. Il me les fallait aussi modifiables. A l’usage ces modifications se sont révélées fiables mais pas aisées à reproduire sans une pratique des microsoudures de composants de surface. J’ai aussi conçu des mixages spécifiques pour faciliter le pilotage et le rendre naturel. Mes réglages sont totalement cohérents avec le modèle de simulation développé à l’aide de PredimRC.

Ce planeur rassemble finalement une foule de détails…

…de réalisation rendus possibles par l’assimilation de tours de mains et le développement d’outillages spécifiques. Ce sont aussi les échanges avec mes amis pilotes aux critiques constructives qui m’ont aidé à repousser ses limites et à en faire l’outil que je pilote maintenant le plus souvent. Ces détails de réalisation sont au-delà des gadgets que certains croient pouvoir adopter pour s’approprier du faisable spectaculaire. Mais sans un cheminement patient et les réglages adaptés, le pilotage créatif peut rester agitation désordonnée. Il reste maintenant à valider par des mesures en vol ce que les pilotes éprouvent aux manches et constatent à l’expérience. Ça permettra surement à ce planeur d’évoluer encore.

C’est dans la créativité patiente sur des modèles originaux que je trouve le plaisir de construire. Le pilotage concrétise alors l’adaptation du modèle à sa trajectoire. La géométrie qui la guide est comprise par tous et peut s’harmoniser à la musique.

Heureusement que tout ça reste un jeu. 🙂

6 réflexions sur “« Violin Arabesques »

  1. Stéphane C dit :

    Merci François pour ce fabuleux instrument de musique vélivole qu’est le Troll ! J’ai hâte de le piloter aussi dans ses évolutions techniques à venir. Les images de la vidéo ont été prises dans des conditions de portance établie à forte, mais j’ai aussi plaisir à évoluer avec par temps plus light… Mon violon préféré à ce jour, pour jouer avec l’air et le relief.

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  2. François Cahour dit :

    Merci Stéphane pour ta créativité en voltige où tu inventes de nouveaux enchaînements qui sortent vraiment des évolutions traditionnelles. Si le planeur le permet, il lui faut un pilote capable de créer ces enchaînements, de les décrire et de les partager. Ce planeur présente déjà un potentiel exceptionnel, mais est susceptible d’évoluer encore. D’autres excellents pilotes vont surement pousser le bouchon encore plus loin pour le simple et merveilleux plaisir de la découverte. Merci aux interprètes de cette superbe musique géométrique soulignée par d’autres musiciens de talent.

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  3. aupies dit :

    Salut Stéphane,
    je débarque un peu tard, c’est un plaisir de se passer tes vidéos en arrêt sur image, il ne manque qu’un ralenti !
    une question la vrille sur cette vidéo : ce troll a-t-il l’incidence différentielle ?
    André

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  4. aupies dit :

    Je ne fais pas la fine bouche car cette vrille est plus belle que la plus réussie que j’ai pu faire dans des conditions optimale avec grosse portance et pas de dérive.
    Je la trouve plus lente et moins plate que sur d’autres vidéos , alors pourquoi : volonté du pilote sûrement , pente qui porte moins ?
    Quelle amélioration apporte la “mad dérive” ?

    Je me délecte à passer ces vidéos : bravo !

    Andre

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  5. François Cahour dit :

    Les figures ne sont pas que le résultat d’un automatisme appliqué à des dispositifs techniques. Elles sont en permanence pilotées et le dispositif technique est plus ou moins adapté au pilote et à son savoir faire. La mad-dérive peut être la meilleure ou la pire des choses. Ce qui rend la vrille plate c’est essentiellement l’incidence différentielle et le contrôle du stabilisateur plus ou moins braqué pour rendre la vrille plus ou moins plate. La mad-dérive permet surtout un déclenchement et une mise en rotation immédiate sans passer par la vrille classique. Après il faut trouver la bonne séquence de mise en vrille, différente selon le modèle et ses réglages.

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