Réflexions sur le profil SB96V

Depuis quelques mois, j’ai le plaisir de piloter un Troll. Comme plusieurs autres planeurs de François, ses ailes sont profilées SB96V/SB96Vs.
Ce profil a constitué une surprise pour moi, car mes autres planeurs de voltige utilisent le combiné TP42/TP29 qui est symétrique.
J’ai rapidement ressenti des différences en vol. Différences à ce point marquées que je me suis demandé si je réussirais avec PredimRC (l’outil de dimensionnement aérodynamique proposé par Franck Aguerre) à quantifier ces différences par des valeurs simples.
Et j’ai le plaisir de dire que oui ! L’objet de cet article est d’expliquer ma démarche et les résultats…

troll-stephane-combet

Mon Troll entre 2 sessions peinture en été 2016, au Col d’Azet.

TP42 vs SB96V : quelles différences aux manches ?

La première différence que j’ai ressentie a été une meilleure capacité à gratter et a transiter en faveur du Troll (SB96V) par rapport à mon SnowflaK (TP42). J’ai d’abord attribué cela à la finition plastique et à la charge alaire légèrement plus élevée. Elles y sont d’ailleurs sûrement pour quelque chose.
Mais un autre comportement m’a orienté vers la différence de profil : le vol dos. D’abord, je ressens une différence entre vol à plat et vol dos pour exploiter les thermiques. Puis, de manière vraiment marquée, je constate que les ressources et rétablissements dos cassent sérieusement la vitesse s’ils sont bien appuyés, comme j’aime le faire pour un renversement dos par exemple. Par contre, en utilisant généreusement les volets cet effet est amoindri.
Ce sont ces comportements que j’ai cherché à retrouver dans PredimRC. L’idée est de savoir à quoi s’attendre en utilisant tel ou tel profil pour un voltigeur, mais aussi de régler l’utilisation des volets pour conserver l’énergie.

capturemontvalent

Le SnowflaK, voltigeur en TP42. On note le volume de stab, identique au Lunak réel, trop faible pour la voltige totale…

Souffler les profils, avec volet, et sur le dos

J’ai donc commencé par m’amuser à souffler « numériquement », grâce à Xfoil inclu dans PredimRC, le SB96V sous tous ses aspects : en vol à plat sans volet, puis avec plusieurs crans différents de volet. Ensuite j’ai inversé le profil et je l’ai également soufflé en lisse, et avec des volets favorables au vol dos.
J’obtiens ainsi 9 profils et leur caractéristiques qui vont m’intéresser dans la suite de mon étude:

01-sb96dos-0-5-8

SB96V sur le dos, en lisse (bleu), 5° de volet (rouge), 8° de volet (vert)

-SB96V 0°
-SB96V 5°
-SB96V 8°
-SB96V 11°
-SB96V dos 0°
-SB96V dos 5°
-SB96V dos 8°
-SB96V dos 11°
-SB96V dos 14°

A ce stade, il est important de dissocier les performances du profil seul des performances du planeur complet. C’est l’objet de l’étape suivante.

Géométrie du Troll

Ensuite, j’ai renseigné la géométrie du Troll dans l’onglet « 3-Géometrie » de PredimRC. La visualisation graphique permet de vérifier que l’on rentre des valeurs cohérentes. Je me suis fait un petit plaisir en modifiant à mon goût le look de cette feuille dans PredimRC avec d’autres couleurs etc.

02-geom-troll
Une fois toutes ces données indiquées, PredimRC nous renseigne sur différentes caractéristiques du planeur, à l’aide de graphiques notamment. De mon côté, je souhaite comparer rapidement quelques valeurs représentatives des sensations en vol que j’ai décrites en début d’article, cela m’a amené à rajouter des formules à côté des graphes.

3 indicateurs de perfo

Mes sensations en vol concernent 3 situations : la gratte, la transition, les ressources appuyées.
Ces 3 situations correspondent dans PredimRC à 3 grandeurs présentées sur les graphiques: le taux de chute, la finesse, le Cz/Cx en virage serré. Les 3 concernent le planeur complet.
J’ai donc ajouté par formule un petit tableau pour voir les valeurs max des 2 premières grandeurs. Et la valeur à Cz = 0.85 (fort Cz arbitraire) de la dernière. Comme on peut afficher 3 profils simultanéments et 2 masses de planeur, cela fait un tableau de 3 indic x 3 profils x 2 masses = 18 valeurs, à droite sur l’image ci-dessous entre les cases noires…

05-vzfinesse-tablo

En ne prenant que les valeurs optimum au lieu des courbes, on rend plus facile la comparaison, mais elle perd de sa richesse. La comparaison entre courbes permettrait de s’intéresser à une large plage de vitesse, tandis que les valeurs optimum sont des points singuliers de fonctionnement du planeur.

Profil lisse en vol normal

J’obtiens alors avec le profil SB96V 0° les valeurs suivantes :
– taux de chute min = -0.61 m/s
– finesse max = 17.8
– Cz/Cx en ressource max = 15.8
Admettons. Que deviennent ces valeurs en vol dos ?

Profil lisse en vol dos

En appliquant le profil SB96V dos 0° à la même géométrie de planeur, on obtiens :
– taux de chute min dos = -0.98 m/s
– finesse max dos = 12.6
– Cz/Cx en ressource max dos = 4.1
A ce stade, c’est instructif car je retrouve mes sensations aux manches : gratte et transition un peu moins bons, ressource appuyée catastrophiquement moins bonne (passe de 15.8 à 4.1).

Utilisation des volets

Il est alors logique de se demander si l’utilisation de volets apporte quelque chose. La réponse est clairement oui. Voici le tableau de valeurs obtenues avec les angles de volet qui encadrent l’optimum, à plat et sur le dos :

07-tablo-plat-dos-2

Donc si on prend les meilleures :
– taux de chute min = -0.53 m/s
– finesse max = 18.4
– Cz/Cx en ressource max = 19.0
– taux de chute min dos = -0.69 m/s
– finesse max dos = 16.1
– Cz/Cx en ressource max dos = 14.5

C’est beaucoup mieux que sans utiliser les volets. En particulier pour les ressources dos qui passent de 4.1 en lisse à 14.5 avec 14° de volet.

Imaginons un Troll en TP42

En renouvelant l’analyse avec TP42 soufflé en lisse, à 5°, 8°, 10° et à 13° de volets, on peut imaginer le comportement d’un Troll à profil symétrique et le comparer au Troll SB96V :

08-tablo-tp42-2
Comme on peut s’y attendre, avec TP42 c’est moins bien à plat et mieux en dos. Tout dépend du temps qu’on passe sur le dos donc… On note quand même que les valeurs de TP42 sont plus proches de SB96V à plat que de SB96V dos.

Influence sur les réglages et le pilotage

La conclusion pratique consiste à régler les débattements des volets. J’irai donc jusqu’à 11° vers le bas et 14° vers le haut (piloté sur le manche des gazs décranté et avec ressort de rappel pour ma part).
Et dorénavant j’appuie généreusement sur les volets pour tous les passages de vol horizontal à vertical ou inversement ! Je garde ainsi beaucoup plus d’énergie.
Si l’on utilise des phases de vol, on pourra les régler avec 8° pour le taux de chute min et 5° pour la finesse max, en vol à plat. Les acros de la gratte vol dos iront jusqu’à faire une phase de vol gratte dos avec 11° vers le haut et finesse max dos avec 8° vers le haut.

Des valeurs réalistes ?

En conclusion, PredimRC m’a permis de retrouver « en chiffres » mes sensations aux manches. Le simple fait que les chiffres évoluent bien de la même façon que les sensations atteste que PredimRC est un outil très puissant pour analyser une géométrie de planeur, en allant jusqu’à savoir quel taux de volets est le meilleur pour la gratte, la finesse, les ressources.
Bien sûr, en l’état cela ne me dit pas dans quelle mesure les valeurs calculées sont exactes sur mon planeur en l’air. L’utilisation de la télémetrie pourra donner d’autres conclusions intéressantes, et je crois bien que François est sur le coup…

8 réflexions sur “Réflexions sur le profil SB96V

  1. Julien BULTHEEL dit :

    Bonjour à vous.
    J’en déduis que pour tirer tout le potentiel du SB96, il faut le cambrer sur le même principe qu’un profil symétrique ce qui complexifie les réglages.
    Mais ces réglages sont intéressants car ils forcent à se rendre bien compte des charges appliquées sur le profil en fonction du moment, je prends souvent l’exemple d’une boucle carrée qui fait varier fortement et rapidement les conditions de charge du profil.
    Aussi il faut tenir compte que dans le cas ou SB96 est utilisé en lisse, l’incidence du fuselage en position dos offre plus de traînée mais dégage un peu plus celui-ci du sol lors des touch’ dos!
    Félicitations Stéphane pour ces articles.

    Julien

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  2. François Cahour dit :

    La courbure supplémentaire ajoute de la traînée, qui diminue la vitesse donc le rendement. Cette courbure doit intervenir seulement à des moments précis, après avoir accumulé de la vitesse. Par exemple pour faire des angles carrés aux boucles, ou pour serrer une spirale.
    Mais croire que la courbure diminue nécessairement la vitesse de chute ne permet pas de tirer le maximum du modèle.
    Par ailleurs, les volets doivent rester très rigides en torsion et les servos positionner avec précision le volet, sinon on est dans le flou total.
    La démo de Stéphane montre bien l’intérêt d’une courbure maitrisée. Sur mes machines, je la commande en fixe par un inter 3 positions pour la gratte et en continu par le manche des AF avec le ressor de rappel au neutre. La courbure fixe est de toutes façons éliminée en voltige, et ne reste que la courbure contrôlée en continu par le manche des AF.
    La commande en AF par ce manche est autorisée par un interrupteur qui autorise aou non cette phase de vol. 1/2 course en tirant: AF et 1/2 course en poussant: moteur pour allonger ou sortir du trou. Ca permet de voler partout où on peut se poser.
    La profondeur du volet 20/25/30% de la corde a une influence très modérée sur ce profil.
    Par contre l’angle de braquage doit vraiment être adapté au Cz de vol pour en tirer le maximum.

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    • jivarofad dit :

      Bonjour François,

      Juste une petite remarque concernant la première phrase de ta réponse : contrairement à l’intuition classique qui raisonne en terme de portance, l’amélioration du taux de chute (ainsi que la réduction du « coup de frein ») obtenue par la courbure est pourtant uniquement dû à une réduction de la traînée : directement au niveau du profil (suivant le Cz, le profil courbé peut traîner sensiblement moins) et indirectement par le changement d’incidence relatif du fuselage.

      Petite démonstration : http://www.modelisme.com/forum/aero-pilotage/159552-comment-bien-utiliser-les-volets-de-courbure-5.html#post1744413

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      • François Cahour dit :

        Tout à fait d’accord avec Stéphane et Frank. C’est pourquoi il faut pouvoir régler en vol la courbure et l’incidence.
        Les valeurs fixes ne sont acceptables que pour le confort, mais sont rarement optimales.

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      • jivarofad dit :

        En effet 🙂
        Le snap-flap est déjà un premier pas dans ce sens, mais l’optimal est de coupler la courbure avec la consigne de profondeur et la vitesse (donc, in fine, avec le Cz). A défaut d’un système électronique pour assurer cette boucle, tout le travail en revient au pilote 😉 Si je me rappelle bien, le pionner dans ce domaine était Marcel Guwang (bien le bonjour si tu nous lit !), avec son pilotage « 4 axes ».

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    • François Cahour dit :

      J’ai réalisé deux paires d’ailes de Troll de structure et géométrie identiques, pour comparer les profils successivement dans les mêmes conditions: le but étant de tenir un planeur plus grand et bien maitrisé par son pilote (compétiteur chevronné). Avec le SC17, je restais à la traine et ne pouvais le tenir en gratte. Avec le SB 96V&VS, je le tenais facilement. De même en voltige. Ceci ne dit pas que le SC17 est moins bon que le SB96, mais que le profil doit être adapté aux conditions de vol. La voltige possible dépend aussi des conditions de vol du moment. Que dire de la foi du pilote dans ses choix et ses réglages? C’est une toute autre histoire.

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